Monsieur Eric de Moulins-Beaufort, Messieurs les évêques,
Nous voilà maintenant au premier anniversaire des décisions historiques que vous avez prises à Lourdes en novembre 2021, reconnaissant la responsabilité de l’Eglise dans les violences sexuelles commises depuis 1950, et leur caractère systémique, à la suite de la publication du rapport de la CIASE.
Les tristes affaires de ces dernières semaines – résultats de procès canoniques passés sous silence, non information des victimes concernées, etc. – ont non seulement pour effet d’empêcher d’autres victimes de se faire connaître, mais aussi de mettre à bas la confiance que vous désiriez restaurer : comment les personnes victimes peuvent-elles vous croire ? comment peuvent-elles se sentir effectivement reconnues ? comment peuvent-elles faire confiance à vos résolutions de rétablir justice et vérité ?
Notre volonté n’est ni de commenter, ni de juger, beaucoup l’ont déjà fait.
Nous demandons simplement que toutes les personnes victimes – connues ou encore silencieuses – soient réellement prises en considération, et puissent retrouver progressivement leur pleine dignité, par un fonctionnement juste, efficace et transparent des actions nécessaires.
Nous vous demandons donc que :
1) Tout membre de la communauté catholique à tous niveaux applique son devoir de citoyen en portant toute affaire d'agression sexuelle directement à la connaissance de la justice. Que les diocèses informent précisément tous les membres de la communauté catholique de ses droits et devoirs en rappel de la loi.
2) Dans la continuité de ce que nous venons d'énoncer, que la signature des protocoles entre procureurs et diocèses soit finalisée dans tous les diocèses, et que chacun participe de manière immédiate et effective à leur mise en œuvre.
3) L’Eglise fasse preuve de proactivité, pour que chacune de ces affaires donne lieu à un appel à témoin systématique de votre part pour rechercher d’autres victimes éventuelles (comme l’on fait par exemple les dominicains du Sud-Ouest).
4) Les cellules d’écoute exercent des activités d’information, d’orientation (vers les autorités judiciaires ou des professionnels de santé médico-psychologiques) et de conseil de qualité, en étant encadrées par des professionnels reconnus et indépendants par rapport à l’institution ecclésiale. Que l’audit promis l’an dernier soit effectué au plus vite en vue d’ajuster le niveau de compétences des membres de chaque cellule. Il en va de la qualité d’accueil et du suivi/accompagnement de toutes les victimes.
5) Une information de tous les publics soit organisée (rappelons que les 3⁄4 des anciennes victimes ont quitté l’Eglise), dans des conditions d’efficacité à définir, pour permettre à chacun.e de parler et de faire valoir ses droits, en demandant réparation ou en saisissant la justice.
6) Tout prédateur signalé soit entendu par un expert psychiatre ou psychologue, qui établira si nécessaire un diagnostic et pourra l’orienter vers des soins ou un suivi thérapeutique adapté.
7) Toutes les personnes victimes soient pleinement éligibles aux mesures de reconnaissance et de réparation, y compris les personnes majeures vulnérables ou rendues vulnérables par des situations de vie difficiles, et qui sont totalement exclues du processus aujourd’hui. Rappelons que vous les aviez pleinement intégrées dans votre lettre de mission du 20 novembre 2018 adressée au Président de la CIASE.
8) Un bilan d’étape précis des travaux de la CEF et des diocèses soit dressé sans attendre, un an après vos décisions d’avril et novembre 2021. Sur chacun des points cités ci-dessus, comme sur les autres travaux mis en œuvre pour concrétiser les recommandations de la CIASE, notamment en matière de reconnaissance et de réparation. Nous sommes également demandeurs de la plus grande transparence et de bilans rapprochés sur ce point : plus nous serons clairs et précis, plus nous avancerons. Nous serons attentifs aux décisions que vous prendrez, mais surtout aux actes que vous exercerez, au niveau national, à travers l’ensemble des diocèses. Nous sommes aussi prêts à assurer nos engagements associatifs en travaillant de concert avec vous chaque fois que la parole et les propositions de personnes victimes et anciennes victimes pourront contribuer à construire des solutions plus justes, plus adaptées et plus efficaces.
Veuillez recevoir, Monsieur le Président, Messieurs les évêques, nos salutations distinguées.
Pour l’association Parler & Revivre : Olivier Savignac, président, Nicolas Scalbert, secrétaire
Cécile Berne, Mireille Babassud, Quentin Van Maele Et autres membres de l’association
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